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mardi 28 mai 2013

psy à domicile


samedi 25 mai 2013

psychologue à domicile

Psychologue clinicienne libérale à domicile,
Je propose des consultations à domicile pour personnes âgées, publics souvent fragilisés par la question de l'institutionnalisation, par les conséquences du vieillissement et par les différentes pertes auxquelles ils sont confrontés.
Je propose également un soutien psychologique aux aidants.
 

La famille et Les aidants : dans le cadre de la démence


Dans le cadre de la prise en charge de personnes atteintes de démences de type Alzheimer ou démences apparentées, il est primordial de collaborer avec les familles, afin de proposer un accompagnement adapté. La démence d’un parent reste douloureuse pour les enfants, le conjoint ou les frères et soeurs. La famille, environnement essentiel dans l’accompagnement de la maladie joue un rôle clé dans la prise en charge. Au moment du diagnostic, le conjoint, les enfants deviennent aidant (Ylieff, 2000), un nouveau statut pour accompagner la personne dans la maladie. Le retentissement de la maladie sur la famille est considérable. La démence devient la maladie de la famille.

Aux côtés du patient, la famille est un nouvel acteur très présent et très impliqué dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. C'est souvent la famille qui effectue la demande de l'avis médical. Le spécialiste prendra les décisions avec les membres de la famille. Au-delà de l’aide qu’il apporte, l’aidant est un témoin privilégié. Il joue un rôle majeur d’informant, d’évaluateur auprès du médecin ou des services d’aide qui le sollicitent pour évaluer les incapacités de la personne malade ou pour détecter les complications de la maladie, comme les troubles du comportement.

Par exemple, Madame B, accompagne son mari, 66 ans atteint d’une démence fronto-temporale. Lors du bilan du premier mois, elle nous a apporté des informations utiles sur le comportement de son mari au domicile. Elle nous a fait part des activités qu’elle mettait en place pour communiquer avec lui. Elle nous a transmis des idées d’activités qui canalisaient les débordements comportementaux de son mari : l’écriture, la lecture, et les dessins. L’animatrice a donc pu proposer des activités à Monsieur B adapté et permettant une meilleure concentration.

Le plan Solidarité Grand-Age présenté en juin 2006 (Ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées,aux Personnes handicapées et à la Famille), souligne la nécessité de soutenir les aidants familiaux, en créant notamment un droit de répit pour ces aidants avec ce que l’on appelle hébergement temporaire, qui souvent repose sur un mois d’accueil.

La présence d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer a des répercussions sur l’état psychologique de ses proches. Les proches du malade, constatant le déclin cognitif ainsi que l’apparition de troubles du comportement de plus en plus nombreux, craignent les conséquences dans l’avenir en terme de prise en charge et éprouvent des difficultés à faire face à cette maladie. Les aidants ressentent une détresse d’assister à la souffrance et à l’effondrement psychique de l’être cher. Leur qualité de vie est amoindrie à un âge où certains aspirent à une vie plus calme ou plus centrée sur soi-même. Ils doivent faire face à la charge quotidienne, aux inquiétudes incessantes et aux poids de décisions difficiles. Certains ressentent une culpabilité, d’autres éprouvent une honte. C’est le cas de Madame B qui, face aux comportements de désinhibition de son mari, éprouvait un sentiment de honte à l’égard des autres. Elle a l’impression de ne plus le reconnaître et de ne plus savoir qui il est, une sensation d’avoir une autre personne en face d’elle.

Même s’il existe d’importantes variations interindividuelles, les aidants peuvent avoir le sentiment que les rôles s’inversent ; ils expriment le sentiment de devenir le parent de la personne aidée (Crochot, Bouteyre, 2005), avec souvent un sentiment d’être constamment occupé, d’avoir moins d’activités de loisir, et progressivement, un sentiment d’isolement par rapport aux amis et à la famille peut apparaître. Certaines personnes évoquent également une vie de famille compliquée, le conjoint parfois délaissé ressent des difficultés à trouver une place au milieu de cette dyade. Une réorganisation familiale s’impose avec la définition de nouveaux rôles.

La dépendance de la personne âgée provoque souvent un sentiment de fatigue morale chez les aidants (Ylieff, 2000), avec une incidence négative sur leur bien-être. Ce sentiment de fatigue morale touche en outre plus souvent les conjoints que les enfants.

Il est important de repérer le niveau de fardeau (échelle de Zarit), car c’est un déterminant majeur de rupture de l’aide à domicile se traduisant par un placement en institution. Dans une population d’aidants de personnes atteintes de démence, les raisons qui conduisent à un placement sont : le besoin de soins adaptés et spécifiques (65 %), la santé de l’aidant (49 %), les troubles du comportement du patient (46 %), l’avis favorable de l’entourage vis-à-vis du placement (37 %) et le besoin de plus d’aide (23 %). La décision de l’institution n’est pas une décision facile pour la famille : le plus souvent source d’un fort sentiment de culpabilité.

Par exemple, Madame H ayant pris en charge sa sœur, de 61 ans diagnostiquée avec une démence de type Alzheimer à l’âge de 55 ans. Madame H s’occupe de sa sœur depuis quelques années, elle passe beaucoup de temps avec elle, l’emmène dans ses activités. Elle refuse l’institution et les aides à domicile, car elle estime qu’elle peut assumer seule cet accompagnement. Lorsqu’elle se sent fatiguée, elle demande à sa nièce de prendre le relais avec sa mère pendant quelques jours. Madame H, parfois, est en colère contre la maladie, est excédée par les oublis de sa sœur, ce qui provoque une fatigue et parfois une lassitude. Elle exprime très clairement ressentir parfois une envie de violence, non contre sa sœur, mais contre la maladie qui prend le dessus.

 

Troubles psycho comportementaux : expression d’une souffrance


L’association psychogériatrique internationale définit les troubles comportementaux et psychologiques de la démence comme des signes et symptômes évocateurs de troubles de la perception, du contenu des pensées, de l’humeur et des comportements.

Les troubles comportementaux ne sont pas sans cause et possèdent toujours un but, et se révèlent le plus souvent par des facteurs déclencheurs (Rawling, 2001). Ils peuvent apparaître suite à un épisode confusionnel dû à une altération du fonctionnement cognitif et une fébrilité du sujet. Par ailleurs, ils peuvent exprimer des pathologies somatiques (incontinence, douleurs) ou un déficit sensoriel avec des difficultés à appréhender son environnement. Les troubles comportementaux peuvent s’expliquer par un sentiment de solitude, et d’insécurité ressentie par la personne démente dévoilant une angoisse d’abandon. Notamment, les changements de situation peuvent déclencher des délires d’adaptation (Géneau, 2001). L’agressivité n’est pas rare lorsque le sujet se sent exclu ou isolé par son entourage. La personnalité prémorbide peut aussi jouer un rôle, s’exprimant par un isolement méfiant pour des personnes introverties ou une tendance à l’expression coléreuse pour une personne extravertie (Léger et al, 2001). D'une manière plus générale, l'incapacité à communiquer verbalement les sentiments et les besoins peut favoriser ce type de comportement. Par ailleurs, la perception de l'environnement comme étranger et hostile, du fait de l'altération du fonctionnement cognitif, rend compte de nombreuses réactions agressives.

En début de maladie, le sujet a conscience du handicap avec une incompréhension des troubles suscitant une anxiété et/ou une forme d’agressivité face à l’échec et au sentiment d’impuissance. L’agitation, trouble positif de la démence et le plus fréquent, constitue un obstacle à la socialisation du sujet âgé en institution (Léger et al, 2001). Avec l’agressivité, elles représentent la principale cause de l’institutionnalisation en raison d’un épuisement de l’environnement familial.

C’est le cas de Monsieur B, qui suite à des comportements très agressifs envers son épouse a intégré l’unité protégée spécifique. Monsieur B, auparavant se rendait à l’accueil de jour 2 fois par semaine. Mais la maladie a évolué rapidement, provoquant de gros troubles de comportements : agressivité, déambulation, fugue. Sa femme hésitante, mais au regard de l’évolution de la démence de type Alzheimer, et de la répétition des crises, s’est décidée pour une entrée en institution. Elle a exprimé clairement ce choix pour protéger elle et son mari.

 

La prise en compte de ces signes et symptômes est nécessaire car ils contribuent à l'augmentation de la désadaptation du patient à son environnement, à un déclin cognitif plus rapide et aux conflits relationnels avec l'entourage (Ohnen S.H., 2002). Les productions des déments ne sont pas identiques et sont porteuses de sens pour chaque patient. Elles justifient un comportement d'écoute pour adopter des attitudes d'accompagnement, en reconnaissant la souffrance du dément (Poch, 2003).

 

Maladie de Parkinson


L’existence d’un syndrome parkinsonien témoigne d’un déficit dopaminergique. Un syndrome parkinsonien se définit cliniquement par l’association plus ou moins complète d’une akinésie/bradykinésie (ralentissement à l’initiation/ralentissement à l’exécution, des mouvements), d’une rigidité dite plastique et d’un tremblement de repos.

Le tremblement est un tremblement fin accentué par l’émotion et s’atténuant aux mouvements. Il touche les extrémités et est particulièrement visible au niveau des mains. La rigidité est une augmentation du tonus musculaire, pouvant être douloureuse. L'akinésie, c'est-à-dire la rareté des mouvements, donne au patient un visage figé, impassible, le clignement des yeux est réduit, la marche est lente, et la voix de plus en plus faible et monotone. D'autres symptômes accompagnent le syndrome parkinsonien : de la fatigue, de la dépression, des symptômes neurovégétatifs et parfois des troubles démentiels.

Maladie à Corps de Lewy


La maladie à corps de Lewy est une affection dégénérative du cerveau. Elle se caractérise par la présence dans les cellules nerveuses cérébrales de lésions appelées les corps de Lewy. Elle se manifeste par une fluctuation des capacités intellectuelles et de vigilance s’accompagnant de difficultés d’attention, de concentration et une baisse des capacités à planifier des actions. Par ailleurs, des signes pseudo-parkinsoniens entraînent des désordres moteurs avec une raideur, un ralentissement de la vitesse d’exécution des gestes. Ces manifestations peuvent avoir des conséquences rapides sur la marche. Chez 80% des patients, des hallucinations visuelles ou auditives persistantes sont présentes.

On assiste à une diminution progressive des capacités cognitives avec des répercussions sur la vie sociale. Elle évolue par paliers s’exprimant par des périodes de confusion importantes suivies de périodes de « récupération ». Il est courant de voir apparaître des manifestations psychiatriques durant la phase présymptomatique, qui persistent ensuite : humeur dépressive, troubles du sommeil, idées délirantes de type paranoïde, comportements violents ou agressifs, même si l'on observe souvent de grandes fluctuations dans l'expression de ces manifestation.

Madame S, atteinte de la maladie de corps de Lewy, à un stade modéré présente des  difficultés attentionnelles, et éprouve des difficultés à adhérer aux activités. Elle a souvent des comportements agressifs, et présente une intolérance importante aux autres. Elle est souvent dans la critique, et se plaint beaucoup de la présence de certaines personnes. Son compagnon nous a indiqué le fait que Madame S évoquait la présence d’une tierce personne chez elle, avec des comportements inadaptés (café pour 3 personnes, table mise pour 3 personnes). Les troubles mnésiques deviennent de plus en plus nombreux, et une perte d’autonomie s’installe avec des difficultés à préparer les repas, et à faire le ménage.

Démences fronto-temporales


Les démences fronto temporales seraient la deuxième cause de démence touchant les personnes âgées et toucheraient des personnes plus jeunes que la DTA avec un âge moyen de 54 ans. Elle se traduit par la mort progressive des neurones dans les régions frontales et temporales du cerveau, sièges des zones de compréhension. En début de maladie, elle touche peu la mémoire, mais à une conséquence directe sur les comportements.

 Le début de cette maladie est très insidieux, et se caractérise par des troubles de comportement, pouvant facilement être interprétés comme une dépression. Elle se révèle sous forme d’apathie, de repli sur soi et une difficulté à fixer son attention. On retrouve des troubles de l’affectivité avec une émotivité et une irritabilité excessive. Un comportement désinhibé, impulsif est fréquent se traduisant par des attitudes sociales inappropriées (injures, critiques ouvertes). Il existe très tôt des troubles du langage avec des difficultés à initier le discours et une diminution de la fluence verbale. Des écholalies et des palilalies apparaissent avec un appauvrissement important du langage.

Monsieur B, 66 ans se rend tous les mercredis à l’accueil de jour. Il est atteint d’une démence fronto temporale à un stade bien avancé de la maladie. Il présente de gros troubles de comportement, avec une forte désinhibition (commentaires permanents lors de la lecture de journal). Monsieur B. est difficilement intégré par le groupe à cause d’une incompréhension face à un discours répétitif et des écholalies. Monsieur B éprouve des difficultés à adhérer à certaines activités de part des capacités d’attention fortement altérées et un langage largement affecté. Il présente des troubles de la marche et une rigidité motrice due au stade avancé de la maladie. Monsieur B. se présente très peu expressif.

Maladie d'Alzheimer


Elle est la plus fréquente des démences et sa prévalence augmente avec l’âge. Selon l’étude PAQUID (INSERM), elle toucherait 860000 personnes en France.

 Elle a été décrite pour la première fois en 1906 par Alois Alzheimer. Cette maladie est une démence neurodégénérative due à l’apparition de plaques séniles dans la substance grise du cerveau ou due à une dégénérescence neurofibrillaire précédent la perte neuronale. Elle est évolutive et irréversible. Elle s’exprime par des troubles de la mémoire et un déclin cognitif, le plus souvent associés à des troubles comportementaux, et évoluant vers une perte progressive d’autonomie, caractérisant un syndrome démentiel.

Le  diagnostic reste difficile. La maladie est d’apparition insidieuse, se développant à bas bruit avant qu’elle ne soit repérée le plus souvent par l’entourage familial par des troubles de la mémoire. Le diagnostic est alors établi lors de l’entretien avec le malade et ses proches et à l’aide de questionnaires pour évaluer les fonctions cognitives.

 

Les critères de démence de type Alzheimer selon le DSM-IV sont :

A. Apparition de déficits cognitifs multiples

1. Une altération de la mémoire

2. Une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :

a. Aphasie

b. Apraxie

c. Agnosie

d. Perturbation des fonctions exécutives

B. Altération significative du fonctionnement social ou professionnel

C. Début progressif et un déclin cognitif continu.

D. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus :

1. À d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif

2. À des affections générales pouvant entraîner une démence

3. À des affections induites par une substance

E. Pas évolution d’un delirium.

F. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’Axe I (trouble dépressif majeur ou schizophrénie).

 

La maladie d’Alzheimer est un processus progressif évoluant en 3 stades.

Le stade débutant est caractérisé par des troubles de la mémoire modérés avec une incapacité progressive à se rappeler des faits récents et à stocker de nouvelles informations. Il se rajoute des problèmes attentionnels et de concentration avec des difficultés à accomplir des tâches complexes. L’orientation dans l’espace se manifeste par des difficultés à trouver son chemin. L’apparition de troubles de langage se traduit par un manque du mot, des hésitations.

Dans le stade intermédiaire, les problèmes de mémoire s’aggravent et la personne devient de plus en plus dépendante à son entourage. Les souvenirs des faits lointains s’estompent. Le langage est nettement affecté avec une incapacité croissante de s’exprimer et l’apparition de palilalie. La désorientation dans le temps et dans l’espace est plus importante (oubli des dates,  des difficultés à se repérer dans des lieux familiers). Des troubles agnosiques apparaissent : reconnaissance des visages familiers. Il apparaît des pertes de la synchronisation des gestes et de l’équilibre provoquant des instabilités motrices et des chutes. Le jugement est atteint et la prise de décision devient difficile.

Par exemple, Madame B, atteinte d’une démence de type Alzheimer, présente d’importants troubles mnésiques, une confusion spatio-temporelle. Elle ne parvient plus à se situer dans le temps, et à reconnaître des visages familiers. Les souvenirs lointains sont de plus en plus affectés, avec notamment l’oubli de son fils décédé. Elle évoque beaucoup son enfance, ses souvenirs préservés avec ses parents du temps de sa jeunesse.

Dans le stade avancé, l’alitement est inévitable avec une perte de la motricité, et une impossibilité de se lever. Le patient souffre de démences sévères avec une perte quasi-totale des fonctions cognitives (déstructuration du langage). D’importants troubles de santé apparaissent : une incontinence totale, des troubles alimentaires et de déglutitions accompagnées d’un amaigrissement important provoquant une diminution des défenses immunitaires.

 

Adaptation et Résilience chez les personnes âgées


Certains sujets âgés, malgré certaines pertes, font preuve de capacité d’adaptation. Ils trouvent les ressources nécessaires pour faire face au vieillissement en développant des stratégies de coping (Lazarus et Folkman, 1984), et des capacités de résilience.

Selon Baltes et Baltes (1987), à l’âge avancé, le potentiel des pertes tend à excéder celui des gains, réduisant par conséquent l’adaptabilité de la personne âgée. Selon le modèle SOC (Sélection Optimisation Et Compensation) de Baltes (1990), les personnes âgées, conscientes de l’affaiblissement de leurs ressources biologiques, psychologiques et/ou sociales, vont choisir des activités préservant leur bien être et leur énergie par le processus de sélection. D’autres personnes perdant leurs capacités motrices vont développer des activités nouvelles et acquérir de nouvelles compétences pour faire face à leur handicap (stratégie d’optimisation). Par la stratégie de compensation, le sujet âgé va utiliser les ressources de son environnement pour l’étayer dans la réalisation de certains actes. La mise en œuvre de ces stratégies par l’individu démontre un sentiment d’efficacité personnelle efficient.

Ce modèle de développement explique l’adaptation des sujets âgés qui se confrontent à des changements liés au processus de vieillissement, grâce à leur capacité de résilience dans la pensée, les sentiments et les comportements. Par conséquent, ils pourront atteindre les buts fixés, malgré les difficultés liées au processus de vieillissement.

La résilience se définit comme la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comporte normalement le risque d’une issue grave (Rutter, 1987, Cyrulnik, 1999). Elle implique une dynamique développementale et interroge sur la place du développement chez le sujet âgé.

Selon Ribes (2006), la définition de la résilience repose sur un certain nombre de facteurs, aidant le sujet à faire face aux conditions aversives. La personne âgée résiliente est celle qui présente une sécurité interne grâce à un attachement sécure. La résilience repose également sur une dimension relationnelle solide avec la qualité du soutien de la famille et un fort sentiment d’appartenance (générationnelle, familiale). Par ailleurs, la personne âgée résiliente vit sa vieillesse dans l’ici et le maintenant, s’implique dans le présent avec des capacités de relativisation et de distanciation par rapport aux évènements passés et actuels, lui permettant de mieux les appréhender. Elle montre un intérêt à l’autre et à son environnement pour lutter contre l’isolement. Par ailleurs, l’histoire du sujet âgé joue un rôle clé dans la construction de la résilience. Face à l’adversité, il peut puiser dans ses expériences antérieures, qui ont contribué au développement de ses capacités adaptatives. En vieillissant, la personne âgée est confrontée à de nouvelles atteintes et pertes. S’adapter est donc une composante importante du vieillissement, permettant de garder le contrôle sur sa vie et de maintenir une certaine satisfaction. Pour cela, elle va mettre en place des stratégies de coping, le plus souvent centrées sur les émotions (repli sur soi). En vieillissant, les personnes ont tendance à réagir à un évènement difficile en prenant de la distance ou en développant des émotions positives (Aguerre, 2002).

Madame Lo est un bon exemple d’une personne âgée résiliente. Malgré ses pertes d’autonomie, Madame Lo accepte ce déclin physique en développant des capacités d’introspection importante. Elle puise dans ses ressources internes pour faire face à son affaiblissement physique (difficulté à la marche, baisse visuelle)  Je la retrouve souvent assise à sa table, pensive. Lorsque je m’entretiens avec elle, elle me fait part du bilan de sa vie en transmettant d’importantes émotions positives. Elle narre un récit autour de son vécu depuis son enfance à aujourd’hui : ses relations avec ses parents, son mariage, son arrivée au sein de la résidence. Au travers de ses souvenirs, elle parvient à prendre de la distance pour puiser dans ses ressources internes pour faire face à ces difficultés (perte visuelle, difficultés à la marche) et rester positive. Elle m’explique qu’elle a toujours su aborder les problèmes avec relativisation pour les affronter.

Connaître l’histoire de vie, les événements de vie important du sujet âgé permet de mieux comprendre ses capacités de résilience et d’adaptation. La prise en charge peut reposer sur cette prise de connaissance pour aider la personne âgée à faire face aux difficultés rencontrées au sein de l’institution en puisant dans ses ressources antérieures.

La dépression du sujet âgé


La dépression du sujet âgé, en institution, est très fréquente. Une grande vigilance s’impose dans le repérage des signes cliniques, dans le sens où celle-ci est souvent masquée (Hazif-Thomas, 2003), et ses conséquences peuvent être très lourdes. Ces symptômes dans ce cas sont plus physiques que psychiques.

La plainte somatique est récurrente chez le sujet âgé en raison des atteintes corporelles que le vieillissement provoque (Le Goués et Ferrey, 2000). Le recours à la plainte somatique peut révéler l’expression d’une souffrance psychologique et refléter un état dépressif. Une préoccupation hypocondriaque investit le sujet révélant une inquiétude sur le fonctionnement du corps qui devient le centre d’intérêt et limitant tout processus de pensées. La souffrance du sujet ne pouvant être entendue se manifeste par le corps.

Par ailleurs, la dépression, chez la personne âgée, peut-être source d’une dévalorisation de soi et un sentiment d’inutilité. Elle se manifeste par un repli sur soi, un désengagement des activités quotidiennes, une souffrance parfois non exprimée et accompagnée de symptômes comme de la tristesse, du désespoir et de l’anhédonie. Une perte de la motivation s’installe et l’existence est vécue comme vide, dénuée de sens (Hazif-Thomas, 2003). Il devient difficile à la personne âgée d’accepter sa vie actuelle, qui rentre dans une phase de  passivité dans l’attente de mourir. Un sentiment de vide intérieur s’installe avec une autodévaluation et un pessimisme important face à l’avenir (Clément, Léger, 1996).  Par ailleurs, cette souffrance est telle qu’elle peut conduire le sujet âgé au suicide (Clément, Léger, 1996).

Par exemple, Madame M, au cours de ses dernières semaines, se repliait sur elle-même, tentant de participer à des activités, mais en éliminait quelques unes progressivement à cause d’une fatigue importante. Madame M, au cours de sa vie, a traversé des épisodes dépressifs réguliers. Madame M a une personnalité forte anxieuse et une mésestime d’elle-même importante. Madame M cachait une souffrance, à cause de douleurs physiques insupportables, se disait très fatiguée. Un dimanche, un passant vit Madame M au bord de sa fenêtre, prête à l’enjamber. La directrice s’est entretenue avec elle pour connaître les raisons, Madame M exprima une lassitude par rapport à ses douleurs physiques, qui l’envahissaient et empêchaient tout processus de pensées. Elle évoqua une crainte de l’avenir, de perdre toute son autonomie. Elle fut hospitalisée aux urgences et suivies par un médecin psychiatre. Toute remise en question s’est posée autour de son cas, une souffrance passée inaperçue, un état dépressif non repéré.

Il est important de repérer les signes cliniques de la dépression chez le sujet âgé, pour agir rapidement et détecter une souffrance masquée (Hazif-Thomas et Thomas, 1998). Une vigilance s’impose autour de manifestations symptomatiques, de troubles du sommeil et alimentaires et d’un ralentissement psychomoteur (Le Gouès et Ferrey, 2000).

La dépression peut être la conséquence d'une prise de conscience douloureuse de l’apparition des déficits intellectuels. La survenue de la dépression traduit dans ce cas une tentative d’adaptation. Dans le début d’une pathologie démentielle, une attention particulière doit être apportée aux signes précurseurs de démence frontale. Les signes précurseurs sont souvent psychiatriques, prenant le masque d’une dépression atypique, avec manque de motivation, apathie, apragmatisme, repli sur soi (Le Goués et Ferrey, 2000).

Baisse de l’autonomie


Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la déficience correspond à toute perte ou altération d'une structure ou d'une fonction anatomique, physiologique ou psychologique. L'incapacité se définit par une réduction de la capacité à effectuer une activité d'une façon et dans les limites considérées comme normales pour un être humain.

 

Vieillissement : différents deuils

En vieillissant, la personne âgée est assujettie à de multitudes pertes qu’elle doit affronter pour une maintenir une certaine qualité de vie, nécessitant un travail de deuil. Outre un affaiblissement physique, le sujet âgé doit faire face à un certain nombre de changements de son environnement : les pertes affectives et sociales (éloignement des proches, décès) et la perte du domicile (l’entrée en institution).

 

- Pertes de l’intégrité corporelle

Une baisse de l’autonomie s’installe au travers d’atteintes physiques et cognitives augmentant progressivement chez le sujet âgé la dépendance à un tiers dans certains actes de la vie quotidienne (Ribes, 2006). Pour certains, ces pertes corporelles s’expliquent par un déficit sensoriel (altération de la vue, surdité) ou des troubles moteurs (difficultés à la marche, lenteur des mouvements) provoqués par la sénescence (Belmin, 2004). Le sujet âgé doit faire face aux affections physiques, parfois douloureuses et invalidantes dues au vieillissement du corps. Ces troubles peuvent s’accompagner d’une blessure narcissique reposant sur une image du corps altérée par les atteintes physiques et esthétiques. La diminution des capacités sensorimotrices peut affaiblir l’estime de soi.

Prenons l’exemple de l’incontinence urinaire, c’est un trouble fréquent chez les personnes âgées. Il a de réels retentissements sur l’état psychique et peut être vécu comme une menace de détérioration physique (Le Goues, Ferrey, 2000). Ce trouble atteint la sphère intime du sujet rendant ce corps un peu plus dépendant à l’équipe médicale. A l’apparition d’incontinence, le sujet peut chercher à s’isoler en raison de la gêne occasionnée et d’un sentiment de honte par rapport aux autres résidents, à la famille et/ou à l’équipe soignante. Le déni est un mécanisme de défense souvent utilisé par le sujet, pour dissimuler cette souffrance physique. En cas de suspicion de troubles de la miction chez un sujet âgé, le dialogue est primordial. Il permettra d’identifier le plus tôt possible l’incontinence, de dédramatiser le problème et d’entamer une réelle prise en charge. Madame P, depuis quelques mois, présente des troubles de la miction. Elle reste dans le déni face à ce trouble. Elle fonctionne sur un mode défensif et parfois agressif à l’égard des résidents.

 

L’acceptation de ses pertes par le patient nécessite un réaménagement de sa vie, en fonction du degré du handicap qu’elles induisent. Ces différents troubles peuvent entraver la communication avec les autres et/ou diminuer l’accès à certaines activités  (lecture, couture, promenades). Ils affectent la vie du patient en le privant d’une certaine autonomie pouvant s’accompagner d’une anxiété face au risque de devenir dépendant à un tiers. Face à ce déclin physique, le sujet âgé aura tendance à s’isoler, voire s’inscrire dans une composante dépressive en raison d’une image de soi fortement altérée face à la vieillesse. Une incompréhension s’installe avec autrui, pouvant provoquer un retrait social. La personne âgée va tenter de compenser ses pertes par des gains, un réaménagement s’impose pour conserver une qualité de vie acceptable (modèle SOC, développé plus loin).

 

- Pertes du domicile

L’entrée en institution, c’est d’accepter de quitter son domicile, en raison d’une baisse de son autonomie. Le patient est amené à faire le deuil de « son chez soi », cet espace intime chargé d’émotions, de souvenirs porteurs de son histoire et de son identité. Le domicile représente un espace protecteur pour le sujet âgé avec ses habitudes, ses repères. Vivre en maison de retraite suppose l’acceptation d’une certaine situation de dépendance à un nouvel environnement. Dans ce cas, un travail de deuil du domicile est à accomplir par le sujet afin de développer ses capacités d’adaptation. Prenons le cas de Madame P : elle vit au sein de la résidence avec son conjoint depuis 2 ans. Elle n’a toujours pas élaboré le deuil de sa maison, elle ressent souvent de la colère face à cette perte, et ne parvient pas à s’intégrer au sein de la maison de retraite. Elle reste ancrée sur les souvenirs autour de cette maison, « le seul bien qu’elle possédait ». Elle oscille entre des phases de relativisation et des phases d’hostilité, qui la rendent anxieuse. Ce deuil non résolu altère son processus de pensées, l’installant dans une attitude de retrait.

 

- Pertes Sociales et affectives

Les pertes sociales s’expriment également par un amoindrissement du réseau social du sujet avec une diminution des relations amicales, l’éloignement de la famille. Les difficultés motrices (marche) ou sensorielles peuvent accentuer cet isolement social en raison d’une fatigue ressentie lors de certains déplacements. Face à ces pertes, le sujet est confronté à un sentiment de solitude. Il peut refuser la vie collective et se replier sur soi avec un désinvestissement de l’environnement extérieur, pour favoriser l’accès à ses pensées et investir son monde intérieur. (Ferrey et le Goues, 2000). Certains résidents parviennent à combler ce vide en se liant à d’autres résidents lors d’animations proposées. D’autres, en raison du sentiment de solitude qui s’est installée progressivement, revivent leur passé avec l’apparition de conflits internes non résolus, éprouvant un ressenti de colère et une focalisation sur les émotions négatives qui les envahissent psychiquement.

 

La perte affective, plus douloureuse, confronte le sujet âgé au décès de son conjoint, d’un enfant. Ce deuil sera d’autant plus difficile à surmonter en puisant dans les capacités d’adaptation du sujet âgé, fortement fragilisé. Ces pertes risquent de provoquer une détresse psychologique intériorisée et non exprimée par le sujet âgé. Tout un travail de deuil commence pour le sujet âgé, pour accepter la mort de la personne et poursuivre sa vie avec cette perte. Toutefois, un deuil pathologique ou compliqué peut s’installer sur du long terme, fixant le sujet dans une vie passée avec une forte intériorisation de la personne absente la rendant dépendante à l’objet perdu (Ferry, Le Goues, 2000). Dans ce cas, la personne âgée peut refuser de vivre dans une réalité actuelle, avec son processus de pensées envahit par des images mentales d’un passé. Cet état psychique peut être un facteur aggravant la dépendance à un tiers, avec comme principal risque : le syndrome de glissement. Monsieur R a perdu sa femme en 1999. Le deuil de sa femme n’a jamais été élaboré, il est resté dans un stade de désespoir. Il exprime le sentiment d’être fautif, et ressent une culpabilité permanente. Il est plongé dans un état mélancolique permanent sous forme d’un vécu dépressif réactionnel. Il dort mal, réveillé par des terreurs nocturnes, avec une désorientation temporelle et la présence d’images mentales. On assiste à une perte dans les interactions sociales, et une autoaccusation amère « je n’ai pas été assez bon ». Monsieur R. est préoccupé en permanence par l’image de sa femme ce qui s’exprime par la présence de comportements hallucinatoires avec une illusion de présence pathologique de celle-ci : « je sens sa présence, elle me parle ». Il s’est désengagé de sa vie dans un repli total, avec comme conséquence un important ralentissement psychomoteur. Monsieur R est décédé suite à une hépatite aigue.

 

Face à ses pertes, la personne âgée doit effectuer un travail de deuil s’exprimant par des réactions dépressives (phase initiale du processus du deuil). Elles peuvent être transitoires et normales jusqu’à l’acceptation de ces pertes mais peuvent se révéler pathologiques lorsqu’elles s’installent de manière permanente. L’accompagnement du patient devient nécessaire pour le soutenir à traverser les différentes étapes de l’acceptation du deuil. L’accumulation de deuil peut être facteur d’appauvrissement, d’une diminution d’intérêt des choses de la vie (Danon-Boileau 2002), réactivant des deuils antérieurs non résolus. Le sujet doit dépasser sa résignation et se réorganiser psychologiquement afin de s’adapter à ces changements.

L'atelier mémoire


Il permet de mettre en valeur les potentialités cognitives préservées de la personne âgée (De Rotrou, 1997). Il leur donne la possibilité de maintenir leurs capacités mnésiques, de les travailler et de se sentir valoriser au travers des réussites. Cet atelier se propose comme un moyen de stimulation de la mémoire et de sollicitation des fonctions supérieures. Différentes activités sont proposées pour solliciter les différents types de mémoire : mémoire épisodique (souvenir des évènements que l’on a personnellement vécu) ; mémoire sémantique (connaissances générales sur le monde) ; mémoire de travail (retenir une information à court terme et la manipuler). Cet atelier permet de travailler d’autres fonctions telles que le langage avec des exercices de fluence verbale, de structuration mentale (capacités à raisonner) et d’attention.

Il permet aux résidents de travailler leur confiance en soi, les renarcissiser au travers des réussites et retrouver une motivation en participant à cet atelier au sein d’un groupe. Pour certains, ce groupe a un objectif de socialisation, leur permettant de faire de nouvelles connaissances et de s’affilier à d’autres résidents afin de lutter contre l’isolement.

Le déclin cognitif


Le vieillissement se traduit essentiellement par un déclin des fonctions intellectuelles. Le fonctionnement cognitif désigne un ensemble d’habiletés mentales, comme la perception, l'attention, la concentration, la mémorisation et les fonctions intellectuelles de hauts niveaux, telles la prise de décision et la résolution de problèmes.

Le vieillissement s’exprime par une diminution de la performance à diverses épreuves censées évaluer le fonctionnement cognitif au fur et à mesure de l’avancée en âge (Van der Linden, 1999, cité par Cappelier et al, 2000). Toutefois,  dans le vieillissement normal, le déclin cognitif est hétérogène entre des capacités relativement préservées et d’autres altérées. Ce déclin est relié aux changements que produit le vieillissement sur le système nerveux sur les plans neuroanatomique (diminution de la masse du cerveau), neurophysiologique (diminution du nombre et de la taille des neurones et perte de l’efficacité des contacts synaptiques) et neurochimique (diminution de la concentration de neurotransmetteurs, notamment, la dopamine)

Les habiletés mentales qui s'appuient sur les connaissances générales acquises au fil des années semblent relativement maintenues (intelligence cristallisée). La mémoire implicite et la mémoire émotionnelle s’altèrent peu. L’apprentissage procédural est particulièrement résistant au vieillissement (Deweer, 1994). Par ailleurs, la mémoire autobiographique est longuement préservée en raison d’un rôle clé de l’émotion (Piolino, 2003).

Par contre, les habiletés mentales dites fluides, qui s'appuient davantage sur des processus cognitifs (mémoire, attention, vitesse de traitement) sont souvent touchées et de façon plus précoce. La personne âgée, le plus souvent, éprouve des difficultés à s’ajuster aux situations nouvelles ou peu connus en raison des efforts d’attention requis.

Dans le domaine de la mémoire, le rappel d'information immédiat ou à très court terme diminue avec l'âge significativement (Salthouse et Babcock, 1991), alors qu'en mémoire à long terme, le rappel volontaire et explicite de nouvelles informations est davantage touché que le rappel implicite, provoqué par la reconnaissance d'une information familière. Des études ont montré également que les fonctions cognitives supérieures sont touchées, telles que les habiletés arithmétiques et les habiletés de résolution de problèmes.

Ainsi, dans le domaine des capacités attentionnelles, l'attention sélective et l'attention divisée nécessaire à l'accomplissement de tâches concurrentes sont particulièrement sensibles à l'avancée en âge ((McDownd et Birren, 1990) avec des difficultés pour le sujet d’effectuer des activités simultanément (Belmin, 2004).

 

Par ailleurs, la mémoire peut être influencée par le degré de vigilance et d’attention, par la motivation ainsi que les états affectifs (Belmin, 2004). Le sujet âgé peut perdre confiance et avoir une estime de soi fragile en raison de la prise de conscience de ce déclin cognitif. De ce fait, il peut s’installer dans des comportements de dévalorisation « je suis nul », « moi je ne sais plus », ayant comme conséquences un abandon de certaines activités, nourrissant cette baisse cognitive. A ce stade, montrer au sujet, au travers d’exercices cognitifs ses capacités préservées, peut être envisageable pour lui redonner confiance et le réassurer.

La plainte mnésique


La plainte mnésique est relativement fréquente chez les sujets de plus de 65 ans (48%). Dans la plupart des cas, elle n’est pas liée à l’apparition d’une démence. En effet, des études ont montré l’absence de corrélation entre la plainte mnésique et la baisse de l’efficacité de la mémoire en situation de tests (Dubois et Deewer, 2003, cité par Lotstra, 2003).

Elle est le plus souvent en rapport avec un état psychoaffectif fragile, accentuée par des symptômes d’anxiété, un sentiment de solitude, un manque de confiance et d’estime de soi (Derouesné, 2003). Elle peut s’exprimer suite à une diminution des facultés sensorielles. Elle se présente donc comme un symptôme multifactoriel, avec une peur accrue de développer la maladie d’Alzheimer.

Par ailleurs, certaines études ont montré que ce sont souvent les ressources de traitements affectées dans le vieillissement (Craik, 2000, cité par Lotstra, 2003) : capacités attentionnelles, vitesse de traitement et mémoire de travail. La plainte mnésique est davantage liée à la baisse des performances attentionnelles, à une moindre capacité d’inhibition d’informations non pertinentes, à un certain ralentissement et à des facteurs psychologiques (choc émotionnel) qu’à un véritable déficit mnésique. Toutefois, la mémoire explicite et la mémoire de travail diminuent significativement.

Par ailleurs, pour ne pas se confronter à ses propres difficultés, le sujet âgé aura tendance à éviter des tâches mnésiques et ses stratégies nécessaires pour leur réalisation, pouvant affecter ses performances (Derouesné, 2003). Il devient essentiel à ce stade de travailler sur la restauration de l’estime de soi en raison d’une importante dévalorisation du sujet âgé.

Vivre : fatigue et défi


Par ailleurs, le sujet âgé, découragé, en perte d’adaptation, arrivant à la dernière étape de son existence, se trouve confronté à un nouveau défi, celui d’affronter la vieillesse. Progressivement, une forte démotivation s’installe, avec le sentiment de perdre le contrôle de sa vie. En effet, le besoin d’une assistance dans la vie quotidienne du sujet le confronte à la réalité de sa perte d’autonomie. En effet, pour lui, bénéficier d’une aide, c’est progressivement devenir dépendant et laisser place à la vieillesse, qui prend le dessus. Par ailleurs, certains proches peuvent, involontairement, prendre des décisions pour eux, les conduisant dans des conditions de dépendance, mais aussi dans un sentiment de honte, de révolte ou de capitulation. La personne âgée peut développer la sensation d’être dépossédée de sa liberté et de la maîtrise de la conduite de sa vie.

 

Il n’est pas rare que les personnes âgées, fatiguées de vivre, demandent à mourir ou attendent le moment de partir (Richard, 2004). Elles souffrent d’une vie dépourvue de sens, développent un sentiment d’inutilité et se sentent comme un « fardeau » pour leur environnement familial.  Elles estiment avoir assez vécu, en ayant plus à apprendre et à vivre sur le monde et à ce titre, elles souhaitent partir sereinement sans souffrance. Elles se questionnent sur la raison de leur existence actuelle, n’envisageant aucun avenir heureux. Elles effectuent un bilan de leur vie, pour montrer leur satisfaction, leur capacité à affronter les évènements difficiles (Richard et al, 2004). Mais aujourd’hui, lasses, confrontées à un corps en déclin, elles ne parviennent à retrouver un équilibre et le plaisir de vivre. Le souhait de la mort se présente comme une finitude nécessaire pour les libérer de leur souffrance et de leur isolement affectif.

Madame Br, suite à un souci de santé, s’installe dans un isolement à cause d’une diminution de son autonomie, sort peu de sa chambre. Elle ressent une forte détresse psychologique face à son corps en souffrance. Elle m’explique qu’elle est fatiguée de vivre, et qu’elle aimerait aujourd’hui mourir sereinement et sans souffrance. A 94 ans, elle estime avoir assez vécu, et de ne plus avoir sa place dans la société. Dans son discours, elle réalise le bilan de sa vie, me fait part de ses expériences de vie, et prend conscience de sa finitude. Pour cette dame, continuer de vivre se présente comme un acharnement et elle se met dans une position d’attente face à la mort, espérant chaque nuit partir pendant son sommeil.

Image du vieillissement et le sentiment d’être vieux


Certaines personnes âgées sont dans l’incapacité à s’accepter « vieux » marquée par une dévalorisation des autres sujets âgés résidant au sein de la résidence. Ils se distinguent d’elles par une comparaison ascendante et par l’intériorisation d’une image négative du vieillissement. Ils ressentent une forte réticence à aller vers les autres. Certaines développent une perception négative de la vieillesse favorisée par les stéréotypes intériorisés et véhiculés, provoquant de réelles difficultés à s’identifier aux « vieux » et se reconnaître comme tel (Richard et al, 2004).

Vivre en collectivité sous entend se mélanger à autrui, à la différence, mais plus particulièrement se confronter à l’image de la dépendance, à la perte d’autonomie et à la vieillesse. Certaines développent une réelle souffrance psychique, au point de se réfugier dans leur espace intime, protecteur : leur chambre. Elles évitent tout contact avec des personnes âgées dépendantes, handicapées pour se protéger par peur de la contagion. Leur première réaction est la peur « de finir leurs jours dans cet état de dépendance », disent-elles.

Madame Bi, arrivée depuis peu au sein de la résidence, se présente fortement anxieuse. L’entrée en maison de retraite a été un véritable choc pour cette dame, qui s’attendait à un public âgé autonome. Madame Bi a très mal vécu les premiers jours de son arrivée, confrontée à l’image de la dépendance. Elle n’osait pas sortir de sa chambre, se repliait dans son espace. Elle avait peur de la contagion et parlait « d’hospices de luxe ». Cette constatation montre l’importance de préparer une personne âgée quant à son entrée en institution pour éviter qu’il soit vécu comme un traumatisme.

 

Le sentiment d’être vieux suscite l’idée que les changements sont irréversibles, définitifs, obligeant les personnes âgées à s’accepter en tant que tel et s’incliner devant l’avancée de la vieillesse. Vieillir, c’est se transformer et par conséquent accepter ces changements : cela se traduit par la reconstruction d’une continuité (Caradec 2004)

Ce sentiment d’être vieux s’accompagne d’une perception nouvelle du temps, qui parait s’étirer, marquée par la lenteur des gestes et une fatigue diffuse. En effet, l’entrée en institution rend visible l’écoulement du temps et l’absence d’emprise de ces individus sur leur propre vieillissement (Mallon, 2007). La personne âgée peut développer une « conscience accrue de sa finitude » (Marshall, 1986), c'est-à-dire une prise de conscience de la mort qui approche, provoquant une réflexion et un retour sur sa vie passée. Pour certaines d’entre elles « il n’est plus temps désormais » de s’engager dans des activités, ils prennent conscience de la fuite du temps.

 

Selon Erikson (1999), le sujet âgé, arrivé à son dernier stade de développement, envisage l’éventualité de sa mort, ce qui suscite une évaluation de sa vie. Il va rechercher un sentiment d’intégrité, au travers d’une relecture de son passé, afin de donner un sens à sa propre existence. Il peut éprouver du désespoir au travers de sentiments d’échecs, et la sensation de ne plus avoir le temps de retrouver son intégrité.

Cette relecture du passé a été appelée par Butler (1963, cité par Lavallée et Cappeliez, 1996) « révision de vie ». Elle reposerait sur un processus mental d'adaptation caractérisé par le retour progressif à la conscience des expériences de vie passées, particulièrement celles qui sont associées à des conflits irrésolus. Le sujet âgé, en vieillissant et arrivant au dernier stade de sa vie, développe naturellement des capacités narratives avec le rappel de souvenirs autobiographiques, chargées d’émotions. Ce retour sur les événements passés est provoqué par les nombreuses remises en question actuelles effectuées par les personnes âgées (deuil, perte autonomie...) puisant dans leurs ressources antérieures. Chacune de ces situations oblige l'individu à s'arrêter et à reconsidérer les étapes précédentes de sa vie, au regard de l'expérience acquise tout au long de la vie, ayant pour objectif la consolidation de son identité (Gaucher, 1996) et la transmission de ses expériences de vie (Cappeliez, Lavallée et O’Roucke, 2001). La révision de vie définie comme processus d'adaptation peut se révéler pathologique. En effet, elle peut s’exprimer par de légers regrets et une certaine nostalgie d’un temps passé, jusqu’à une forme sévère se traduisant par un sentiment anxieux, de culpabilité ou de désespoir. Dans les cas les plus pathologiques, le sujet âgé peut développer une dépression grave, pouvant aller jusqu’au suicide. Par ailleurs, cette révision de vie peut avoir un impact négatif pour la personne âgée qui se fixe dans des comportements de rumination, sans pour autant avancer, et le maintient dans des conflits non résolus et des deuils non élaborés. L’avenir devient donc difficilement percevable et envisageable.

Isolement et solitude : facteur de fragilité


L’isolement social du sujet âgé favorise à augmenter sa vulnérabilité. La personne âgée, progressivement, doit faire face aux pertes affectives : de l’éloignement de ses enfants jusqu’au décès de son conjoint (Ferrey, Le Goues, 2000). A son arrivée, le sujet âgé peut s’installer dans un sentiment de solitude, face à un environnement inconnu, et éloigné de ses proches, perdant tous repères.  Il peut rapidement s’inscrire dans un sentiment d’inutilité avec l’impression d’être séparé du groupe et de ses normes (sentiment d’anomie) (Richard, 2004). Certains vivent cette situation comme une volonté de mise à l’écart de la part de leurs enfants et se sentent « rejetés » de l’environnement familial. En effet, il n’est pas rare d’entendre « ils se sont débarrassés de moi, j’étais une charge pour eux ».

 

En institution, la première cause de l’isolement est le veuvage. Après avoir vécu de longues années auprès de leur conjoint, la personne âgée doit affronter la perte de l’être cher et organiser sa vie seule, perdant l’identité de son couple (Delbès et Gaymu, 2002). Epreuve douloureuse, elle peut être source de régression et de l’apparition de symptômes dépressifs. Toutefois, la phase « choc » dépassée, la personne âgée pourra élaborer le travail de deuil, qui peut durer de longues années pour réapprendre à vivre seule.

L’isolement de la personne âgée peut être due à un éloignement professionnel des enfants, eux-mêmes parents et parfois grand parents. La famille se restructure, chacun acquiert un nouveau statut (Mylinski, 1995). L’entrée en institution ne favorise pas la liberté des visites, qui tendent à s’espacer progressivement. Elles sont exposées à autrui, avec la difficulté de préserver une intimité familiale dans un environnement collectif (les repas dans la salle des invités, visites des aides soignantes dans les chambres). Par ailleurs, elle signifie la fin des retrouvailles au domicile des grands parents, provoquant une certaine rupture d’un lien transgénérationnel (Caradec, 2007).

 

L’isolement ressenti par les personnes âgées n’est pas sans conséquences sur leur état psychique. Elles sont variées parfois difficilement repérables car peu ou pas extériorisées par le sujet âgé.

Elles peuvent s’inscrire dans une logique de refus de la vieillesse et d’être dans l’incapacité de faire le deuil de leur vie passée avec des comportements de rumination de leur histoire (Caradec, 2007). Cette incapacité se traduit par une absence d’envie pour les relations sociales et notamment pour tout ce qui de près ou de loin s’apparente à la vieillesse. On retrouve également une absence de désir de s’engager dans des activités régulières, de sociabilités qui peuvent devenir rapidement inaccessibles compte tenu de la détérioration des capacités physiques.

 

L’isolement social et la solitude ne sont pas sans conséquences sur les facultés psycho intellectuelles (Seeman et al, 2001). Le sujet âgé ne fait plus guère d’acquisition mais il doit autant que possible maintenir l’acquis des années passées, pour préserver une certaine autonomie. En effet, l’engagement social aurait un effet protecteur contre le déclin cognitif (Seeman, 2001). L’isolement est un facteur de pertes des facultés intellectuelles. Replier sur eux-mêmes, ils diminuent les échanges avec les autres, les activités et les occasions de stimulations sensorielles. Par exemple, Madame K a du faire face aux décès de son mari, puis de ses proches. Aujourd’hui, il lui reste sa fille. Toutefois, elle ressent un fort sentiment d’abandon. Isolée en permanence, elle sort peu de son studio, va peu à la rencontre des autres résidents. Madame K est en souffrance, repliée sur elle, abandonnant tout effort en raison d’une perte d’énergie intense à réaliser des activités. Elle perd peu à peu ses facultés intellectuelles avec des difficultés langagières (manques du mot importants), et  des difficultés mnésiques naissantes.

 

L’isolement social peut provoquer une forte démotivation chez le sujet à s’engager dans des activités jusqu'à une situation de repli sur soi extrême.

Le sentiment de solitude peut entrainer une dépression à forme conative avec l’apparition de troubles de la vie affective centrées sur la démotivation du sujet âgé (Hazif-Thomas, 1998). En effet, cette démotivation provoque une perte de plaisir à faire, de l’inutilité d’être et de l’insignifiance du lendemain. Une des premières conséquences est un désengagement relationnel et affectif par rapport à leur entourage et leur vie quotidienne. En effet, la personne âgée, en souffrance, va d’autant plus se replier sur soi avec l’idée « ce que je fais ne compte pas », elle va développer une indifférence à elle, à autrui et à son environnement. Cet isolement peut susciter un désapprentissage, voire même une régression dans certains comportements. Un des risques important est une baisse de l’autonomie, avec un renoncement des activités et une dépendance accrue à l’équipe soignante. Le sujet âgé se laisse guider par l’institution dans un silence omniprésent, comme s’il s’abandonnait à l’équipe soignante. Il se présente comme docile, avec une grande passivité et sans initiative, souvent source d’anhédonie. De tels comportements demandent une vigilance particulière en raison d’une douleur morale masquée. Madame B, au sein de la résidence depuis plusieurs mois, est présentée comme calme, agréable à vivre. Mais lorsque nous nous entretenons avec elle, très vite, elle évoque une détresse psychologique intense face au décès de son conjoint (quelques mois auparavant). Elle est toujours seule dans sa chambre assise sur son fauteuil, passive et ne s’engageant dans aucune activité. Madame B ne s’autorise pas à parler de ses souffrances, avec une auto censure importante de sa douleur psychique. Mais en réalité, ses pensées sont envahies par le décès de son conjoint et ce deuil difficile à élaborer.

Les chutes : affaiblissement de la personne âgée


Une chute est le fait de tomber par inadvertance sur le sol ou autre niveau inférieur, avec ou sans perte de conscience, et pour une cause autre qu’une installation brusque d'une paralysie, une crise épileptique, une ingestion excessive de boissons alcoolisées ou sous une poussée externe.

Elle est une des principales causes de décès chez les sujets âgés de plus de 75 ans. Phénomène majeur chez les personnes âgées, elle représente un des principaux motifs d’entrée en institution. Outre le handicap physique qu’elle provoque (fracture du col de fémur, rééducation longue), elle peut être source d’un choc émotionnel suivi de lourdes conséquences psychologiques. En effet, un sujet âgé qui chute est conduit en urgence dans un établissement hospitalier pour les soins nécessaires. Cette admission, source d’anxiété, risque de précipiter la personne âgée vers la perte d’autonomie et par conséquent l’orientation vers une maison de retraite (kagan, 1987, cité par Hasif-Thomas, Thomas, Bouché, 2005)

En effet, elle vient fragiliser le sujet sur le plan physique et psychologique. Il est confronté à ses propres limites, et à la prise de conscience de son affaiblissement physique. Les conséquences psychologiques vont s’installer insidieusement chez une personne âgée perdant brutalement confiance en elle, se sentant dévalorisée à l’égard de son entourage. Ces derniers, croyant bien agir, vont développer parfois un excès de surprotection, voire une attitude infantilisante. Ces comportements peuvent conduire la personne âgée dans la dépendance et la restriction d’activités. Par ailleurs, la chute provoque un sentiment d’insécurité accompagné de comportements de repli sur soi et de démotivation (Hasif-Thomas, Thomas, Bouché, 2005)

 

Madame F au sein de la résidence depuis quelques jours a chuté plusieurs fois. Fragilisée par ces chutes, elle développe un fort sentiment d’anxiété quant à une éventuelle perte d’autonomie face à l’affaiblissement de son corps. Une peur excessive de retomber l’empêche de réaliser certaines tâches seules, elle s’installe dans une situation d’évitement en sollicitant en permanence l’équipe soignante. Elle a besoin de réassurance, pour reprendre confiance en elle.

Par ailleurs, la personne âgée peut développer une anxiété majeure, avec une peur excessive de rechuter. Cette attitude peut entraver la reprise de la marche et provoquer un refus de toute verticalisation. Ces restrictions peuvent entraîner une perte des automatismes posturaux et favoriser une nouvelle chute. Elle peut aller jusqu’au syndrome de régression psychomotrice, c'est-à-dire un refus total de marcher, accepter le fauteuil roulant pour éviter d’affronter de nouveau cette épreuve de chute (Murphy, Isaacs, 1987 cité par Hazif-Thomas, Thomas, Bouché, 2005), plongeant le sujet progressivement dans la perte de son autonomie.

 

Les chutes sont très fréquentes en milieu institutionnel, en particulier la nuit. Pour pallier à ce risque, un système de barrière est mis en place sous prescription médicale protégeant le sujet âgé de toute chute. Toutefois, l’usage de ces contentions est discuté en raison du vécu et du ressenti du résident. En effet, elles sont sources pour certains de détresse psychologique, ressentie comme une privation de liberté, et une sorte d’enfermement. La personne âgée peut le vivre comme une altération de soi, augmentant son sentiment de dépendance. Par ailleurs, elles peuvent être facteur d’incontinence, en raison de l’impossibilité de se lever seul.

Un suivi psychologique peut être mis en place pour permettre aux sujets, victimes de chute, de reprendre confiance en soi pour favoriser la rééducation. L’accompagnement psychologique peut leur donner la possibilité de mettre en mot les souffrances psychiques ressenties lors de la chute.

La fragilité des personnes âgées en institution


Le vieillissement peut s’accompagner d’une vulnérabilité importante chez les personnes âgées (Bouisson, 2007), accentuée par l’entrée en institution qui rajoute un facteur de stress puisant dans les ressources d’adaptation du sujet âgé.

Sur le plan médical, la personne âgée fragile est une personne polypathologique (Fried, 1994, citée par Trivalle, 2002), chez qui la présentation des maladies est fréquemment atypique. Cette personne présente un ou plusieurs syndromes gériatriques : chutes à répétition, confusion aiguë, incontinence… Ceux-ci sont considérés comme des marqueurs de la fragilité (Belmin, 2003).

La fragilité peut se concevoir comme une étape intermédiaire entre le vieillissement normal et le vieillissement pathologique (Trivalle, 2002). Elle est définie par certains auteurs comme une impossibilité de répondre à des agents stresseurs, qu’ils soient médicaux, psychologiques ou sociaux. La fragilité se situe entre l’autonomie et la dépendance, source d’anxiété pour le sujet âgé qui sent son corps diminué, ses capacités intellectuelles baissées.

L’entrée en maison de retraite : une épreuve


L’institutionnalisation est une décision difficile à prendre pour le sujet âgé et son environnement familial. Le plus souvent dans leur domicile, ils sont confrontés à des difficultés importantes et le choix de la maison de retraite s’impose à eux, qui peut se faire dans l’urgence ou de manière inattendue et précipitée. La personne âgée en vieillissant se fragilise de plus en plus, et doit affronter des problèmes de santé récurrents (hospitalisations, chutes répétitives), puisant ses capacités à faire face à sa vie quotidienne. Elle est touchée progressivement par une baisse de son autonomie, nécessitant parfois une assistance quasi permanente. Toutes ces difficultés soulèvent le questionnement de l’entrée en institution.

Cependant, une minorité de personnes âgées intègrent par réel choix la maison de retraite. Vécu comme une contrainte, elles le décident avec une certaine prise de conscience des difficultés imposées à leurs enfants en raison des handicaps provoqués par la vieillesse. Elles sont largement influencées par leur famille inquiète et par le médecin traitant, qui a évalué trop de risques et un réel danger d’un maintien à domicile.

Un bon nombre d’entre elles intègre la résidence de manière définitive, les obligeant à s’organiser une nouvelle vie, de nouveaux repères au sein d’un milieu inconnu. L’adaptation se réalise avec l’acquisition de nouvelles habitudes, l’appropriation des lieux. En effet, la vie en institution implique l’abandon du domicile et de son mobilier (Mallon, 2007), son « chez soi », espace intime vecteur de son vécu, et de souvenirs.

L’entrée en institution n’est pas sans conséquence sur la personne âgée et sa famille. Elle provoque la perte de nombreuses fonctions et une redéfinition des rôles familiaux (Mallon, 2005). C’est que Cummings et Henry (1961, cités par Lauzon, 1980) ont appelé la théorie du désengagement, qui se définit par un processus de retrait inévitable, progressif avec l’avancée en âge.

Vécue comme imposée, le sujet âgé doit faire le deuil de la manière dont il avait imaginé sa retraite et sa vieillesse. L’organisation de leur vie change au rythme d’une vie en collectivité, qui jusqu’alors était inconnue. Leur emploi du temps s’ajuste aux règles de l’institution (moments des repas, heure des toilettes). Ils perdent un certain nombre de rôles (tâches ménagères, cuisine), dépourvus d’activités (Mallon, 2007), ils doivent se réaménager leur temps et compenser par d’autres activités.  Ce processus, appelé théorie de l’activité (Havighurst et Albrecht 1953, cités par Richard, 2004), met en évidence la nécessité d’endosser de nouveaux rôles, et de maintenir une activité pour minimiser les effets négatifs de la vieillesse.

Pour pallier à l’ennui, l’intégration au sein de la résidence est nécessaire pour prendre plaisir à participer aux animations et éviter l’isolement. La résidence peut leur permettre d’avoir une vie sociale avec des temps collectifs, des animations, des évènements. Certains se saisiront de ces instants, d’autres plus solitaires auront des difficultés à surmonter cette épreuve et à envisager de rester définitivement au sein de la résidence. Fragilisées, elles ont besoin de temps pour développer des capacités d’adaptation et puiser dans leurs ressources internes pour faire face à leur quotidien et accepter leur nouvelle vie.

 

Certaines personnes âgées entrent de manière temporaire au sein de la résidence. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette décision : une hospitalisation nécessitant du repos et une rééducation avant le retour à domicile ; leur entourage en vacances ne pouvant les laisser seules chez eux. Conscient de leurs difficultés, ils acceptent ce passage temporaire, toutefois avec l’angoisse du retour à domicile, encore fragilisé. Il est difficile pour ces personnes âgées de s’intégrer dans la vie de la résidence, souvent isolée, attendant la date de leur départ.

Ce séjour de courte durée permet également à des personnes âgées de bénéficier d’une transition avant l’intégration définitive au sein d’un établissement public. Dans ce dernier cas, il devient difficile au sujet de s’adapter en raison de l’incertitude ressentie face à un futur départ. Il vit dans l’attente d’avoir une réponse positive pour un autre EHPAD, source d’anxiété face à l’inconnu. Madame K, au sein de la résidence depuis plusieurs mois, a déposé des dossiers d’admission dans le secteur public. Elle est très anxieuse, ne connaissant pas l’endroit « où elle va atterrir », dit-elle. Elle éprouve des difficultés à entrer en relation avec d’autres résidents, qui sembleraient être un mécanisme de défense pour éviter une souffrance lors de son départ. Elle est très inquiète quant à son futur et se replie sur elle-même. Elle s’investit peu dans la vie de l’institution et est en grande détresse face à cet isolement. Elle est très angoissée quant à son avenir face à l’incertitude du lendemain.

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