L’institutionnalisation est une décision difficile à prendre pour le
sujet âgé et son environnement familial. Le plus souvent dans leur domicile,
ils sont confrontés à des difficultés importantes et le choix de la maison de
retraite s’impose à eux, qui peut se faire dans l’urgence ou de manière
inattendue et précipitée. La personne âgée en vieillissant se fragilise de plus
en plus, et doit affronter des problèmes de santé récurrents (hospitalisations,
chutes répétitives), puisant ses capacités à faire face à sa vie quotidienne.
Elle est touchée progressivement par une baisse de son autonomie, nécessitant
parfois une assistance quasi permanente. Toutes ces difficultés soulèvent le
questionnement de l’entrée en institution.
Cependant, une minorité de personnes âgées intègrent par réel choix
la maison de retraite. Vécu comme une contrainte, elles le décident avec une
certaine prise de conscience des difficultés imposées à leurs enfants en raison
des handicaps provoqués par la vieillesse. Elles sont largement influencées par
leur famille inquiète et par le médecin traitant, qui a évalué trop de risques et
un réel danger d’un maintien à domicile.
Un bon nombre d’entre elles intègre la résidence de manière définitive,
les obligeant à s’organiser une nouvelle vie, de nouveaux repères au sein d’un
milieu inconnu. L’adaptation se réalise avec l’acquisition de nouvelles
habitudes, l’appropriation des lieux. En effet, la vie en institution implique
l’abandon du domicile et de son mobilier (Mallon, 2007), son « chez
soi », espace intime vecteur de son vécu, et de souvenirs.
L’entrée en institution n’est pas sans conséquence sur la personne âgée
et sa famille. Elle provoque la perte de nombreuses fonctions et une
redéfinition des rôles familiaux (Mallon, 2005). C’est que Cummings et Henry
(1961, cités par Lauzon, 1980) ont appelé la théorie du désengagement, qui se
définit par un processus de retrait inévitable, progressif avec l’avancée en
âge.
Vécue comme imposée, le sujet âgé doit faire le deuil de la manière dont
il avait imaginé sa retraite et sa vieillesse. L’organisation de leur vie
change au rythme d’une vie en collectivité, qui jusqu’alors était inconnue.
Leur emploi du temps s’ajuste aux règles de l’institution (moments des repas,
heure des toilettes). Ils perdent un certain nombre de rôles (tâches ménagères,
cuisine), dépourvus d’activités (Mallon, 2007), ils doivent se réaménager leur
temps et compenser par d’autres activités. Ce processus, appelé théorie de l’activité
(Havighurst et Albrecht 1953, cités par Richard, 2004), met en évidence la
nécessité d’endosser de nouveaux rôles, et de maintenir une activité pour
minimiser les effets négatifs de la vieillesse.
Pour pallier à l’ennui, l’intégration au sein de la résidence est
nécessaire pour prendre plaisir à participer aux animations et éviter
l’isolement. La résidence peut leur permettre d’avoir une vie sociale avec des
temps collectifs, des animations, des évènements. Certains se saisiront de ces
instants, d’autres plus solitaires auront des difficultés à surmonter cette
épreuve et à envisager de rester définitivement au sein de la résidence.
Fragilisées, elles ont besoin de temps pour développer des capacités
d’adaptation et puiser dans leurs ressources internes pour faire face à leur quotidien
et accepter leur nouvelle vie.
Certaines personnes âgées entrent de manière temporaire au sein de la
résidence. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette décision :
une hospitalisation nécessitant du repos et une rééducation avant le retour à
domicile ; leur entourage en vacances ne pouvant les laisser seules chez
eux. Conscient de leurs difficultés, ils acceptent ce passage temporaire,
toutefois avec l’angoisse du retour à domicile, encore fragilisé. Il est
difficile pour ces personnes âgées de s’intégrer dans la vie de la résidence,
souvent isolée, attendant la date de leur départ.
Ce séjour de courte durée permet également à des personnes âgées de
bénéficier d’une transition avant l’intégration définitive au sein d’un
établissement public. Dans ce dernier cas, il devient difficile au sujet de
s’adapter en raison de l’incertitude ressentie face à un futur départ. Il vit
dans l’attente d’avoir une réponse positive pour un autre EHPAD, source
d’anxiété face à l’inconnu. Madame K, au sein de la résidence depuis plusieurs
mois, a déposé des dossiers d’admission dans le secteur public. Elle est très
anxieuse, ne connaissant pas l’endroit « où elle va atterrir », dit-elle. Elle éprouve des difficultés
à entrer en relation avec d’autres résidents, qui sembleraient être un
mécanisme de défense pour éviter une souffrance lors de son départ. Elle est
très inquiète quant à son futur et se replie sur elle-même. Elle s’investit peu
dans la vie de l’institution et est en grande détresse face à cet isolement.
Elle est très angoissée quant à son avenir face à l’incertitude du lendemain.
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