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samedi 25 mai 2013

L’entrée en maison de retraite : une épreuve


L’institutionnalisation est une décision difficile à prendre pour le sujet âgé et son environnement familial. Le plus souvent dans leur domicile, ils sont confrontés à des difficultés importantes et le choix de la maison de retraite s’impose à eux, qui peut se faire dans l’urgence ou de manière inattendue et précipitée. La personne âgée en vieillissant se fragilise de plus en plus, et doit affronter des problèmes de santé récurrents (hospitalisations, chutes répétitives), puisant ses capacités à faire face à sa vie quotidienne. Elle est touchée progressivement par une baisse de son autonomie, nécessitant parfois une assistance quasi permanente. Toutes ces difficultés soulèvent le questionnement de l’entrée en institution.

Cependant, une minorité de personnes âgées intègrent par réel choix la maison de retraite. Vécu comme une contrainte, elles le décident avec une certaine prise de conscience des difficultés imposées à leurs enfants en raison des handicaps provoqués par la vieillesse. Elles sont largement influencées par leur famille inquiète et par le médecin traitant, qui a évalué trop de risques et un réel danger d’un maintien à domicile.

Un bon nombre d’entre elles intègre la résidence de manière définitive, les obligeant à s’organiser une nouvelle vie, de nouveaux repères au sein d’un milieu inconnu. L’adaptation se réalise avec l’acquisition de nouvelles habitudes, l’appropriation des lieux. En effet, la vie en institution implique l’abandon du domicile et de son mobilier (Mallon, 2007), son « chez soi », espace intime vecteur de son vécu, et de souvenirs.

L’entrée en institution n’est pas sans conséquence sur la personne âgée et sa famille. Elle provoque la perte de nombreuses fonctions et une redéfinition des rôles familiaux (Mallon, 2005). C’est que Cummings et Henry (1961, cités par Lauzon, 1980) ont appelé la théorie du désengagement, qui se définit par un processus de retrait inévitable, progressif avec l’avancée en âge.

Vécue comme imposée, le sujet âgé doit faire le deuil de la manière dont il avait imaginé sa retraite et sa vieillesse. L’organisation de leur vie change au rythme d’une vie en collectivité, qui jusqu’alors était inconnue. Leur emploi du temps s’ajuste aux règles de l’institution (moments des repas, heure des toilettes). Ils perdent un certain nombre de rôles (tâches ménagères, cuisine), dépourvus d’activités (Mallon, 2007), ils doivent se réaménager leur temps et compenser par d’autres activités.  Ce processus, appelé théorie de l’activité (Havighurst et Albrecht 1953, cités par Richard, 2004), met en évidence la nécessité d’endosser de nouveaux rôles, et de maintenir une activité pour minimiser les effets négatifs de la vieillesse.

Pour pallier à l’ennui, l’intégration au sein de la résidence est nécessaire pour prendre plaisir à participer aux animations et éviter l’isolement. La résidence peut leur permettre d’avoir une vie sociale avec des temps collectifs, des animations, des évènements. Certains se saisiront de ces instants, d’autres plus solitaires auront des difficultés à surmonter cette épreuve et à envisager de rester définitivement au sein de la résidence. Fragilisées, elles ont besoin de temps pour développer des capacités d’adaptation et puiser dans leurs ressources internes pour faire face à leur quotidien et accepter leur nouvelle vie.

 

Certaines personnes âgées entrent de manière temporaire au sein de la résidence. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette décision : une hospitalisation nécessitant du repos et une rééducation avant le retour à domicile ; leur entourage en vacances ne pouvant les laisser seules chez eux. Conscient de leurs difficultés, ils acceptent ce passage temporaire, toutefois avec l’angoisse du retour à domicile, encore fragilisé. Il est difficile pour ces personnes âgées de s’intégrer dans la vie de la résidence, souvent isolée, attendant la date de leur départ.

Ce séjour de courte durée permet également à des personnes âgées de bénéficier d’une transition avant l’intégration définitive au sein d’un établissement public. Dans ce dernier cas, il devient difficile au sujet de s’adapter en raison de l’incertitude ressentie face à un futur départ. Il vit dans l’attente d’avoir une réponse positive pour un autre EHPAD, source d’anxiété face à l’inconnu. Madame K, au sein de la résidence depuis plusieurs mois, a déposé des dossiers d’admission dans le secteur public. Elle est très anxieuse, ne connaissant pas l’endroit « où elle va atterrir », dit-elle. Elle éprouve des difficultés à entrer en relation avec d’autres résidents, qui sembleraient être un mécanisme de défense pour éviter une souffrance lors de son départ. Elle est très inquiète quant à son futur et se replie sur elle-même. Elle s’investit peu dans la vie de l’institution et est en grande détresse face à cet isolement. Elle est très angoissée quant à son avenir face à l’incertitude du lendemain.

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