Dans le cadre de la prise en charge de personnes atteintes de démences de
type Alzheimer ou démences apparentées, il est primordial de collaborer avec
les familles, afin de proposer un accompagnement adapté. La démence d’un parent
reste douloureuse pour les enfants, le conjoint ou les frères et soeurs. La
famille, environnement essentiel dans l’accompagnement de la maladie joue un
rôle clé dans la prise en charge. Au moment du diagnostic, le conjoint, les
enfants deviennent aidant (Ylieff, 2000), un nouveau statut pour accompagner la
personne dans la maladie. Le retentissement de la maladie sur la famille est
considérable. La démence devient la maladie de la famille.
Aux côtés du patient, la famille est un nouvel acteur très présent et
très impliqué dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. C'est souvent
la famille qui effectue la demande de l'avis médical. Le spécialiste prendra les
décisions avec les membres de la famille. Au-delà de l’aide qu’il apporte,
l’aidant est un témoin privilégié. Il joue un rôle majeur d’informant, d’évaluateur
auprès du médecin ou des services d’aide qui le sollicitent pour évaluer les
incapacités de la personne malade ou pour détecter les complications de la
maladie, comme les troubles du comportement.
Par exemple, Madame B, accompagne son mari, 66 ans atteint d’une démence
fronto-temporale. Lors du bilan du premier mois, elle nous a apporté des
informations utiles sur le comportement de son mari au domicile. Elle nous a
fait part des activités qu’elle mettait en place pour communiquer avec lui.
Elle nous a transmis des idées d’activités qui canalisaient les débordements
comportementaux de son mari : l’écriture, la lecture, et les dessins.
L’animatrice a donc pu proposer des activités à Monsieur B adapté et permettant
une meilleure concentration.
Le plan Solidarité Grand-Age présenté en juin 2006 (Ministre délégué à la
Sécurité sociale, aux Personnes âgées,aux Personnes handicapées et à la Famille),
souligne la nécessité de soutenir les aidants familiaux, en créant notamment un
droit de répit pour ces aidants avec ce que l’on appelle hébergement
temporaire, qui souvent repose sur un mois d’accueil.
La présence d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer a des répercussions
sur l’état psychologique de ses proches. Les proches du malade, constatant le déclin
cognitif ainsi que l’apparition de troubles du comportement de plus en plus
nombreux, craignent les conséquences dans l’avenir en terme de prise en charge et
éprouvent des difficultés à faire face à cette maladie. Les aidants ressentent
une détresse d’assister à la souffrance et à l’effondrement psychique de l’être
cher. Leur qualité de vie est amoindrie à un âge où certains aspirent à une vie
plus calme ou plus centrée sur soi-même. Ils doivent faire face à la charge
quotidienne, aux inquiétudes incessantes et aux poids de décisions difficiles. Certains
ressentent une culpabilité, d’autres éprouvent une honte. C’est le cas de
Madame B qui, face aux comportements de désinhibition de son mari, éprouvait un
sentiment de honte à l’égard des autres. Elle a l’impression de ne plus le
reconnaître et de ne plus savoir qui il est, une sensation d’avoir une autre
personne en face d’elle.
Même s’il existe
d’importantes variations interindividuelles, les aidants peuvent avoir le
sentiment que les rôles s’inversent ; ils expriment le sentiment de devenir le
parent de la personne aidée (Crochot, Bouteyre, 2005), avec souvent un
sentiment d’être constamment occupé, d’avoir moins d’activités de loisir, et
progressivement, un sentiment d’isolement par rapport aux amis et à la famille
peut apparaître. Certaines personnes évoquent également une vie de famille
compliquée, le conjoint parfois délaissé ressent des difficultés à trouver une
place au milieu de cette dyade. Une réorganisation familiale s’impose avec la
définition de nouveaux rôles.
La dépendance de la
personne âgée provoque souvent un sentiment de fatigue morale chez les aidants
(Ylieff, 2000), avec une incidence négative sur leur bien-être. Ce sentiment de
fatigue morale touche en outre plus souvent les conjoints que les enfants.
Il est important de repérer le niveau de fardeau (échelle de Zarit), car c’est
un déterminant majeur de rupture de l’aide à domicile se traduisant par un
placement en institution. Dans une population d’aidants de personnes atteintes
de démence, les raisons qui conduisent à un placement sont : le besoin de soins
adaptés et spécifiques (65 %), la santé de l’aidant (49 %), les troubles du
comportement du patient (46 %), l’avis favorable de l’entourage vis-à-vis du
placement (37 %) et le besoin de plus d’aide (23 %). La décision de
l’institution n’est pas une décision facile pour la famille : le plus
souvent source d’un fort sentiment de culpabilité.
Par exemple, Madame H ayant pris en charge sa sœur, de 61 ans
diagnostiquée avec une démence de type Alzheimer à l’âge de 55 ans. Madame H
s’occupe de sa sœur depuis quelques années, elle passe beaucoup de temps avec
elle, l’emmène dans ses activités. Elle refuse l’institution et les aides à
domicile, car elle estime qu’elle peut assumer seule cet accompagnement.
Lorsqu’elle se sent fatiguée, elle demande à sa nièce de prendre le relais avec
sa mère pendant quelques jours. Madame H, parfois, est en colère contre la
maladie, est excédée par les oublis de sa sœur, ce qui provoque une fatigue et
parfois une lassitude. Elle exprime très clairement ressentir parfois une envie
de violence, non contre sa sœur, mais contre la maladie qui prend le dessus.
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