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samedi 25 mai 2013

Baisse de l’autonomie


Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la déficience correspond à toute perte ou altération d'une structure ou d'une fonction anatomique, physiologique ou psychologique. L'incapacité se définit par une réduction de la capacité à effectuer une activité d'une façon et dans les limites considérées comme normales pour un être humain.

 

Vieillissement : différents deuils

En vieillissant, la personne âgée est assujettie à de multitudes pertes qu’elle doit affronter pour une maintenir une certaine qualité de vie, nécessitant un travail de deuil. Outre un affaiblissement physique, le sujet âgé doit faire face à un certain nombre de changements de son environnement : les pertes affectives et sociales (éloignement des proches, décès) et la perte du domicile (l’entrée en institution).

 

- Pertes de l’intégrité corporelle

Une baisse de l’autonomie s’installe au travers d’atteintes physiques et cognitives augmentant progressivement chez le sujet âgé la dépendance à un tiers dans certains actes de la vie quotidienne (Ribes, 2006). Pour certains, ces pertes corporelles s’expliquent par un déficit sensoriel (altération de la vue, surdité) ou des troubles moteurs (difficultés à la marche, lenteur des mouvements) provoqués par la sénescence (Belmin, 2004). Le sujet âgé doit faire face aux affections physiques, parfois douloureuses et invalidantes dues au vieillissement du corps. Ces troubles peuvent s’accompagner d’une blessure narcissique reposant sur une image du corps altérée par les atteintes physiques et esthétiques. La diminution des capacités sensorimotrices peut affaiblir l’estime de soi.

Prenons l’exemple de l’incontinence urinaire, c’est un trouble fréquent chez les personnes âgées. Il a de réels retentissements sur l’état psychique et peut être vécu comme une menace de détérioration physique (Le Goues, Ferrey, 2000). Ce trouble atteint la sphère intime du sujet rendant ce corps un peu plus dépendant à l’équipe médicale. A l’apparition d’incontinence, le sujet peut chercher à s’isoler en raison de la gêne occasionnée et d’un sentiment de honte par rapport aux autres résidents, à la famille et/ou à l’équipe soignante. Le déni est un mécanisme de défense souvent utilisé par le sujet, pour dissimuler cette souffrance physique. En cas de suspicion de troubles de la miction chez un sujet âgé, le dialogue est primordial. Il permettra d’identifier le plus tôt possible l’incontinence, de dédramatiser le problème et d’entamer une réelle prise en charge. Madame P, depuis quelques mois, présente des troubles de la miction. Elle reste dans le déni face à ce trouble. Elle fonctionne sur un mode défensif et parfois agressif à l’égard des résidents.

 

L’acceptation de ses pertes par le patient nécessite un réaménagement de sa vie, en fonction du degré du handicap qu’elles induisent. Ces différents troubles peuvent entraver la communication avec les autres et/ou diminuer l’accès à certaines activités  (lecture, couture, promenades). Ils affectent la vie du patient en le privant d’une certaine autonomie pouvant s’accompagner d’une anxiété face au risque de devenir dépendant à un tiers. Face à ce déclin physique, le sujet âgé aura tendance à s’isoler, voire s’inscrire dans une composante dépressive en raison d’une image de soi fortement altérée face à la vieillesse. Une incompréhension s’installe avec autrui, pouvant provoquer un retrait social. La personne âgée va tenter de compenser ses pertes par des gains, un réaménagement s’impose pour conserver une qualité de vie acceptable (modèle SOC, développé plus loin).

 

- Pertes du domicile

L’entrée en institution, c’est d’accepter de quitter son domicile, en raison d’une baisse de son autonomie. Le patient est amené à faire le deuil de « son chez soi », cet espace intime chargé d’émotions, de souvenirs porteurs de son histoire et de son identité. Le domicile représente un espace protecteur pour le sujet âgé avec ses habitudes, ses repères. Vivre en maison de retraite suppose l’acceptation d’une certaine situation de dépendance à un nouvel environnement. Dans ce cas, un travail de deuil du domicile est à accomplir par le sujet afin de développer ses capacités d’adaptation. Prenons le cas de Madame P : elle vit au sein de la résidence avec son conjoint depuis 2 ans. Elle n’a toujours pas élaboré le deuil de sa maison, elle ressent souvent de la colère face à cette perte, et ne parvient pas à s’intégrer au sein de la maison de retraite. Elle reste ancrée sur les souvenirs autour de cette maison, « le seul bien qu’elle possédait ». Elle oscille entre des phases de relativisation et des phases d’hostilité, qui la rendent anxieuse. Ce deuil non résolu altère son processus de pensées, l’installant dans une attitude de retrait.

 

- Pertes Sociales et affectives

Les pertes sociales s’expriment également par un amoindrissement du réseau social du sujet avec une diminution des relations amicales, l’éloignement de la famille. Les difficultés motrices (marche) ou sensorielles peuvent accentuer cet isolement social en raison d’une fatigue ressentie lors de certains déplacements. Face à ces pertes, le sujet est confronté à un sentiment de solitude. Il peut refuser la vie collective et se replier sur soi avec un désinvestissement de l’environnement extérieur, pour favoriser l’accès à ses pensées et investir son monde intérieur. (Ferrey et le Goues, 2000). Certains résidents parviennent à combler ce vide en se liant à d’autres résidents lors d’animations proposées. D’autres, en raison du sentiment de solitude qui s’est installée progressivement, revivent leur passé avec l’apparition de conflits internes non résolus, éprouvant un ressenti de colère et une focalisation sur les émotions négatives qui les envahissent psychiquement.

 

La perte affective, plus douloureuse, confronte le sujet âgé au décès de son conjoint, d’un enfant. Ce deuil sera d’autant plus difficile à surmonter en puisant dans les capacités d’adaptation du sujet âgé, fortement fragilisé. Ces pertes risquent de provoquer une détresse psychologique intériorisée et non exprimée par le sujet âgé. Tout un travail de deuil commence pour le sujet âgé, pour accepter la mort de la personne et poursuivre sa vie avec cette perte. Toutefois, un deuil pathologique ou compliqué peut s’installer sur du long terme, fixant le sujet dans une vie passée avec une forte intériorisation de la personne absente la rendant dépendante à l’objet perdu (Ferry, Le Goues, 2000). Dans ce cas, la personne âgée peut refuser de vivre dans une réalité actuelle, avec son processus de pensées envahit par des images mentales d’un passé. Cet état psychique peut être un facteur aggravant la dépendance à un tiers, avec comme principal risque : le syndrome de glissement. Monsieur R a perdu sa femme en 1999. Le deuil de sa femme n’a jamais été élaboré, il est resté dans un stade de désespoir. Il exprime le sentiment d’être fautif, et ressent une culpabilité permanente. Il est plongé dans un état mélancolique permanent sous forme d’un vécu dépressif réactionnel. Il dort mal, réveillé par des terreurs nocturnes, avec une désorientation temporelle et la présence d’images mentales. On assiste à une perte dans les interactions sociales, et une autoaccusation amère « je n’ai pas été assez bon ». Monsieur R. est préoccupé en permanence par l’image de sa femme ce qui s’exprime par la présence de comportements hallucinatoires avec une illusion de présence pathologique de celle-ci : « je sens sa présence, elle me parle ». Il s’est désengagé de sa vie dans un repli total, avec comme conséquence un important ralentissement psychomoteur. Monsieur R est décédé suite à une hépatite aigue.

 

Face à ses pertes, la personne âgée doit effectuer un travail de deuil s’exprimant par des réactions dépressives (phase initiale du processus du deuil). Elles peuvent être transitoires et normales jusqu’à l’acceptation de ces pertes mais peuvent se révéler pathologiques lorsqu’elles s’installent de manière permanente. L’accompagnement du patient devient nécessaire pour le soutenir à traverser les différentes étapes de l’acceptation du deuil. L’accumulation de deuil peut être facteur d’appauvrissement, d’une diminution d’intérêt des choses de la vie (Danon-Boileau 2002), réactivant des deuils antérieurs non résolus. Le sujet doit dépasser sa résignation et se réorganiser psychologiquement afin de s’adapter à ces changements.

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