L’isolement social du sujet âgé favorise à augmenter sa vulnérabilité. La
personne âgée, progressivement, doit faire face aux pertes affectives : de
l’éloignement de ses enfants jusqu’au décès de son conjoint (Ferrey, Le Goues,
2000). A son arrivée, le sujet âgé peut s’installer dans un sentiment de
solitude, face à un environnement inconnu, et éloigné de ses proches, perdant
tous repères. Il peut rapidement
s’inscrire dans un sentiment d’inutilité avec l’impression d’être séparé du
groupe et de ses normes (sentiment d’anomie) (Richard, 2004). Certains vivent
cette situation comme une volonté de mise à l’écart de la part de leurs enfants
et se sentent « rejetés »
de l’environnement familial. En effet, il n’est pas rare d’entendre « ils se sont débarrassés de moi, j’étais une
charge pour eux ».
En institution, la première cause de l’isolement est le veuvage. Après
avoir vécu de longues années auprès de leur conjoint, la personne âgée doit
affronter la perte de l’être cher et organiser sa vie seule, perdant l’identité
de son couple (Delbès et Gaymu, 2002). Epreuve douloureuse, elle peut être
source de régression et de l’apparition de symptômes dépressifs. Toutefois, la
phase « choc » dépassée, la personne âgée pourra élaborer le travail
de deuil, qui peut durer de longues années pour réapprendre à vivre seule.
L’isolement de la personne âgée peut être due à un éloignement
professionnel des enfants, eux-mêmes parents et parfois grand parents. La
famille se restructure, chacun acquiert un nouveau statut (Mylinski, 1995).
L’entrée en institution ne favorise pas la liberté des visites, qui tendent à
s’espacer progressivement. Elles sont exposées à autrui, avec la difficulté de
préserver une intimité familiale dans un environnement collectif (les repas
dans la salle des invités, visites des aides soignantes dans les chambres). Par
ailleurs, elle signifie la fin des retrouvailles au domicile des grands
parents, provoquant une certaine rupture d’un lien transgénérationnel (Caradec,
2007).
L’isolement ressenti par les personnes âgées n’est pas sans conséquences
sur leur état psychique. Elles sont variées parfois difficilement repérables
car peu ou pas extériorisées par le sujet âgé.
Elles peuvent s’inscrire dans une logique de refus de la vieillesse et
d’être dans l’incapacité de faire le deuil de leur vie passée avec des
comportements de rumination de leur histoire (Caradec, 2007). Cette incapacité
se traduit par une absence d’envie pour les relations sociales et notamment
pour tout ce qui de près ou de loin s’apparente à la vieillesse. On retrouve
également une absence de désir de s’engager dans des activités régulières, de
sociabilités qui peuvent devenir rapidement inaccessibles compte tenu de la
détérioration des capacités physiques.
L’isolement social et la solitude ne sont pas sans conséquences sur les
facultés psycho intellectuelles (Seeman et al, 2001). Le sujet âgé ne fait plus
guère d’acquisition mais il doit autant que possible maintenir l’acquis des
années passées, pour préserver une certaine autonomie. En effet, l’engagement
social aurait un effet protecteur contre le déclin cognitif (Seeman, 2001). L’isolement
est un facteur de pertes des facultés intellectuelles. Replier sur eux-mêmes,
ils diminuent les échanges avec les autres, les activités et les occasions de
stimulations sensorielles. Par exemple, Madame K a du faire face aux décès de
son mari, puis de ses proches. Aujourd’hui, il lui reste sa fille. Toutefois,
elle ressent un fort sentiment d’abandon. Isolée en permanence, elle sort peu
de son studio, va peu à la rencontre des autres résidents. Madame K est en
souffrance, repliée sur elle, abandonnant tout effort en raison d’une perte
d’énergie intense à réaliser des activités. Elle perd peu à peu ses facultés
intellectuelles avec des difficultés langagières (manques du mot importants),
et des difficultés mnésiques naissantes.
L’isolement social peut provoquer une forte démotivation chez le sujet à
s’engager dans des activités jusqu'à une situation de repli sur soi extrême.
Le sentiment de solitude
peut entrainer une dépression à forme conative avec l’apparition de troubles de
la vie affective centrées sur la démotivation du sujet âgé (Hazif-Thomas,
1998). En effet, cette démotivation provoque une perte de plaisir à faire, de
l’inutilité d’être et de l’insignifiance du lendemain. Une des premières
conséquences est un désengagement relationnel et affectif par rapport à leur
entourage et leur vie quotidienne. En effet, la personne âgée, en souffrance,
va d’autant plus se replier sur soi avec l’idée « ce que je fais ne compte pas », elle va développer une
indifférence à elle, à autrui et à son environnement. Cet isolement peut
susciter un désapprentissage, voire même une régression dans certains
comportements. Un des risques important est une baisse de l’autonomie, avec un
renoncement des activités et une dépendance accrue à l’équipe soignante. Le
sujet âgé se laisse guider par l’institution dans un silence omniprésent, comme
s’il s’abandonnait à l’équipe soignante. Il se présente comme docile, avec une grande
passivité et sans initiative, souvent source d’anhédonie. De tels comportements
demandent une vigilance particulière en raison d’une douleur morale masquée.
Madame B, au sein de la résidence depuis plusieurs mois, est présentée comme
calme, agréable à vivre. Mais lorsque nous nous entretenons avec elle, très
vite, elle évoque une détresse psychologique intense face au décès de son
conjoint (quelques mois auparavant). Elle est toujours seule dans sa chambre
assise sur son fauteuil, passive et ne s’engageant dans aucune activité. Madame
B ne s’autorise pas à parler de ses souffrances, avec une auto censure
importante de sa douleur psychique. Mais en réalité, ses pensées sont envahies
par le décès de son conjoint et ce deuil difficile à élaborer.
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