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samedi 25 mai 2013

Isolement et solitude : facteur de fragilité


L’isolement social du sujet âgé favorise à augmenter sa vulnérabilité. La personne âgée, progressivement, doit faire face aux pertes affectives : de l’éloignement de ses enfants jusqu’au décès de son conjoint (Ferrey, Le Goues, 2000). A son arrivée, le sujet âgé peut s’installer dans un sentiment de solitude, face à un environnement inconnu, et éloigné de ses proches, perdant tous repères.  Il peut rapidement s’inscrire dans un sentiment d’inutilité avec l’impression d’être séparé du groupe et de ses normes (sentiment d’anomie) (Richard, 2004). Certains vivent cette situation comme une volonté de mise à l’écart de la part de leurs enfants et se sentent « rejetés » de l’environnement familial. En effet, il n’est pas rare d’entendre « ils se sont débarrassés de moi, j’étais une charge pour eux ».

 

En institution, la première cause de l’isolement est le veuvage. Après avoir vécu de longues années auprès de leur conjoint, la personne âgée doit affronter la perte de l’être cher et organiser sa vie seule, perdant l’identité de son couple (Delbès et Gaymu, 2002). Epreuve douloureuse, elle peut être source de régression et de l’apparition de symptômes dépressifs. Toutefois, la phase « choc » dépassée, la personne âgée pourra élaborer le travail de deuil, qui peut durer de longues années pour réapprendre à vivre seule.

L’isolement de la personne âgée peut être due à un éloignement professionnel des enfants, eux-mêmes parents et parfois grand parents. La famille se restructure, chacun acquiert un nouveau statut (Mylinski, 1995). L’entrée en institution ne favorise pas la liberté des visites, qui tendent à s’espacer progressivement. Elles sont exposées à autrui, avec la difficulté de préserver une intimité familiale dans un environnement collectif (les repas dans la salle des invités, visites des aides soignantes dans les chambres). Par ailleurs, elle signifie la fin des retrouvailles au domicile des grands parents, provoquant une certaine rupture d’un lien transgénérationnel (Caradec, 2007).

 

L’isolement ressenti par les personnes âgées n’est pas sans conséquences sur leur état psychique. Elles sont variées parfois difficilement repérables car peu ou pas extériorisées par le sujet âgé.

Elles peuvent s’inscrire dans une logique de refus de la vieillesse et d’être dans l’incapacité de faire le deuil de leur vie passée avec des comportements de rumination de leur histoire (Caradec, 2007). Cette incapacité se traduit par une absence d’envie pour les relations sociales et notamment pour tout ce qui de près ou de loin s’apparente à la vieillesse. On retrouve également une absence de désir de s’engager dans des activités régulières, de sociabilités qui peuvent devenir rapidement inaccessibles compte tenu de la détérioration des capacités physiques.

 

L’isolement social et la solitude ne sont pas sans conséquences sur les facultés psycho intellectuelles (Seeman et al, 2001). Le sujet âgé ne fait plus guère d’acquisition mais il doit autant que possible maintenir l’acquis des années passées, pour préserver une certaine autonomie. En effet, l’engagement social aurait un effet protecteur contre le déclin cognitif (Seeman, 2001). L’isolement est un facteur de pertes des facultés intellectuelles. Replier sur eux-mêmes, ils diminuent les échanges avec les autres, les activités et les occasions de stimulations sensorielles. Par exemple, Madame K a du faire face aux décès de son mari, puis de ses proches. Aujourd’hui, il lui reste sa fille. Toutefois, elle ressent un fort sentiment d’abandon. Isolée en permanence, elle sort peu de son studio, va peu à la rencontre des autres résidents. Madame K est en souffrance, repliée sur elle, abandonnant tout effort en raison d’une perte d’énergie intense à réaliser des activités. Elle perd peu à peu ses facultés intellectuelles avec des difficultés langagières (manques du mot importants), et  des difficultés mnésiques naissantes.

 

L’isolement social peut provoquer une forte démotivation chez le sujet à s’engager dans des activités jusqu'à une situation de repli sur soi extrême.

Le sentiment de solitude peut entrainer une dépression à forme conative avec l’apparition de troubles de la vie affective centrées sur la démotivation du sujet âgé (Hazif-Thomas, 1998). En effet, cette démotivation provoque une perte de plaisir à faire, de l’inutilité d’être et de l’insignifiance du lendemain. Une des premières conséquences est un désengagement relationnel et affectif par rapport à leur entourage et leur vie quotidienne. En effet, la personne âgée, en souffrance, va d’autant plus se replier sur soi avec l’idée « ce que je fais ne compte pas », elle va développer une indifférence à elle, à autrui et à son environnement. Cet isolement peut susciter un désapprentissage, voire même une régression dans certains comportements. Un des risques important est une baisse de l’autonomie, avec un renoncement des activités et une dépendance accrue à l’équipe soignante. Le sujet âgé se laisse guider par l’institution dans un silence omniprésent, comme s’il s’abandonnait à l’équipe soignante. Il se présente comme docile, avec une grande passivité et sans initiative, souvent source d’anhédonie. De tels comportements demandent une vigilance particulière en raison d’une douleur morale masquée. Madame B, au sein de la résidence depuis plusieurs mois, est présentée comme calme, agréable à vivre. Mais lorsque nous nous entretenons avec elle, très vite, elle évoque une détresse psychologique intense face au décès de son conjoint (quelques mois auparavant). Elle est toujours seule dans sa chambre assise sur son fauteuil, passive et ne s’engageant dans aucune activité. Madame B ne s’autorise pas à parler de ses souffrances, avec une auto censure importante de sa douleur psychique. Mais en réalité, ses pensées sont envahies par le décès de son conjoint et ce deuil difficile à élaborer.

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